Dans quel sens allons-nous ?

Du sens au travail et de ce que nous en disons…

Dans le monde professionnel, on parle beaucoup de sens au travail. C’est un mot qui ne pèse pas lourd en nombre de lettres, mais qui est pourtant très chargé d’interprétations diverses et variées.

En effet, si je vous dis que j’estime que mon travail a du sens, qu’il fait sens pour moi, êtes-vous bien certain ou certaine de me comprendre ? Mon message est-il concret ? Précis ?

Et surtout, ce sens que je donne à mon activité, si vous étiez à ma place, le trouveriez-vous aussi ? Le sens au travail est-il commun à tout le monde ? J’en doute…

En effet, le mot SENS a un lourd passé, une histoire riche et complexe du fait de ses origines multiples. (Au passage, je suis convaincue qu’avoir des origines multiples, c’est une richesse…)

Aux origines du mot « sens »

Comme souvent, mon premier réflexe est de me tourner vers le latin. En latin, Sensus signifie l’action de sentir, de percevoir. Il s’emploie dans deux domaines principaux : le domaine intellectuel dans lequel sensus signifie « sentiment » et le domaine rhétorique dans lequel il signifie « idée, pensée ».

Bon, c’est un début… Nous pouvons encore clarifier tout cela il me semble.

Le mot SENS a également subi une influence germanique et a indiqué alors la direction… Vous me direz, idée et direction, on peut faire le lien, non ? Quand j’ai une idée, c’est que je donne une direction à mon cerveau, à mes actes.

Dans le Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey explique que le mot SENS se comprend à travers 3 axes, notamment au XIIe siècle :

  • La faculté de juger, la sagesse. On est ici dans le domaine de la raison, par exemple nous pouvons parler de « bon sens ». Découle de cette signification la finesse d’esprit, la connaissance technique : par exemple « sens » employé comme un « art ».
  • La faculté de percevoir les impressions. On est ici dans le domaine de la sensation.
  • Le contenu intellectuel auquel correspond un signe. On est ici dans le domaine des contenus mentaux, « sens » est à prendre comme la « signification ».

Prenons chacun de ses trois axes et tentons de les explorer pour mieux les comprendre.

Le bon sens, le sens commun (domaine de la raison)

Le mot prend alors trois aspects :

  • Il exprime une connaissance, un savoir. Il est alors abstrait, théorique.
  • Il exprime l’habileté, l’adresse. Il est alors pratique et actif.
  • Il exprime la connaissance intuitive et fait alors référence à la volonté.

Une petite information rigolote : au XVIIe, on ne parlait pas de dent de « sagesse » mais de dent de « sens » !

La sensation

Le mot « sens » peut désigner la faculté humaine de percevoir les impressions faites par les objets. On parle ici de ce que l’on nomme communément les cinq sens : l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher et la vue.

De cette définition va naître l’idée de plaisir associé aux sens : au XVIIe siècle, l’expression « plaisir des sens » apparaît, puis le « sixième sens » au XVIIIe siècle qui offrira au mot « sens » les synonymes de « flair et d’intuition ».

Par extension, le mot SENS va prendre une valeur psychologique plus générale « d’aptitude à percevoir une catégorie de valeurs ». Le sens moral, puis le sens pratique et enfin, en 1837 le sens esthétique.

La nomination des contenus mentaux

Le mot « sens » exprime aussi la relation entre un objet perceptible qui renvoie à une autre réalité que lui-même (=signe) et ce à quoi il renvoie.

Cela a donné les expressions « sens figuré » contre « sens propre », ou bien l’expression « sens profond ».

Mais n’oublions pas les influences germaniques ! sinno, en germanique, est l’ancêtre de notre mot « sens ». Il signifiait la direction concrète, ce vers quoi je me dirige. De manière plus abstraite, il suggère une idée de « bonne direction », c’est-à-dire d’entendement, de raison, d’intelligence. On en revient ici à la première définition issue du latin qui évolue dans le domaine de la raison.

Et dans le monde du travail alors ?

Si on applique ces définitions au monde du travail, on peut, par extension, envisager le mot « sens » comme lié à l’utilité sociale du travail.

Le travail peut satisfaire un besoin d’accomplissement et d’efficacité chez l’être humain. Cela peut donc être un outil pour donner la « bonne » direction à sa vie, un SENS à sa vie.

Le travail est aussi une activité d’insertion au monde, c’est-à-dire une stratégie pour faire du commun, pour satisfaire des besoins de connexion, de cohésion, de cohérence. En travaillant, je me connecte aux autres avec cohérence. Je donne donc un sens, au sens d’objectif, de destination finale, à mon travail : il va me lier à l’humanité pour fabriquer du commun.

Enfin, l’être humain, grâce au travail, est actif dans le monde, il n’est donc pas un pur objet passif, soumis à un monde étranger et tout-puissant. C’est ce que, dans les théories du travail notamment soutenue par Marx ou Hegel, l’on nomme la fonction expressive du travail. En mobilisant ses capacités et ses talents, l’être humain transforme du donné en du construit. Comme le dit Erich Fromm, sociologue et psychanalyste américain, en faisant, c’est-à-dire en travaillant, l’être humain acquiert « le sentiment d’être capable de remuer quelqu’un, de marquer son empreinte ».

Bref, trouver du sens au travail, ça secoue… Et c’est essentiel ! Tiens, dans « essentiel », il y le mot « sens », drôle non ? 

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